Les ventriloques

Première partie


CatalogueLa ventriloquie est un rameau de l’art de l‘illusionnisme dont l’origine se perd dans les prémices de l’humanité. Les traces les plus récentes ont été trouvées dans les prophéties chaldéennes (2.000 ans avant notre ère), d’autres dans les livres canoniques de l’ancien testament. Platon, Hippocrate, Aristophane, Plutarque, Aristote, citent des ventriloques, et ce dernier leur attribue le don de divination.

Au moyen-âge on commença à douter de l’origine surnaturelle des voix de ventriloques, mais il fallut attendre le XVIIIe siècle (alors qu’à l’époque l’église affirmait encore qu’il s’agissait d’une manifestation démoniaque) pour que certains chercheurs songent à une technique utilisant les cordes vocales ou à la transformation du fonctionnement du bucco-pharynx par des exercices spéciaux. Nous savons qu’en réalité, la ventriloquie est une illusion acoustique et visuelle qui utilise des techniques, mais demande en plus des dons de comédien et d’humoriste qui ont permis à certains artistes d’accéder au privilège du vedettariat. Il est intéressant de noter que les ventriloques du temps passé n’utilisaient pas de poupée. Leur "seconde voix" émanait d’une statue, d’un coffret, d’un animal, au travers d’une porte ou quelquefois de l’au-delà.

C’est en 1720 qu’un ventriloque amateur autrichien eut l’idée d’utiliser une poupée. Mais celle-ci ne bougeait pas les lèvres. Il fallut attendre l’anglais Léo et le belge Valentin pour voir un mannequin, avec une bouche articulée, assis sur le genoux d’un ventriloque. Durant cette période de transition naquit la technique du "maquillage de la main" du présentateur, surmontée d’une perruque, donnant l’illusion qu’il s’agit d’une petite tête qui parle. Parallèlement, à la même époque, on connut le numéro du fameux transformiste anglais Alexander Steven qui, durant ses changements à vue de costumes, discutait avec des interlocuteurs imaginaires, aux voix diverses, qui semblaient se trouver derrière un paravent. Il repliait le paravent à la fin de sa prestation pour prouver qu’il était, en réalité, seul en scène. Vers la fin du siècle dernier les ventriloques commencèrent à asseoir leur poupée sur leur cuisse (jusqu’alors ils utilisaient un mannequin fixé sur un trépied). D’après les historiens un des plus grands ventriloques fut un chirurgien français, Alexandre Baltimore ("Alexandre") qui travaillait sans mannequin, jouant seul tous les rôles de sketchs dont certains comptaient jusqu’à sept personnages en changeant également de costumes.

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Ventriloque fin XIXe

Au XIXe siècle, la France connut un ventriloque très populaire, Comte, qui avait construit sa réputation sur les mystifications qu’il réalisait, grâce à ses dons, dans toutes les villes où il séjournait. Cela tournait parfois très mal et il faillit en Suisse se faire lyncher par des paysans qui le prenaient pour un sorcier. Robert-Houdin lui-même, dans ses mémoires, reconnaissait avoir été abusé par les farces de Comte grâce à sa "seconde voix".

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Catalogue Andrews
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Frerf

Au début du XXe siècle, en Grande Bretagne, dans un magnifique décor de scène représentant un pont de navire, Arthur Prince, costumé en officier de la marine anglaise, opérait avec, dans ses bras, sa poupée Jim (habillée en matelot). Il fut une énorme vedette et se produisit deux fois pour le "Royal Performance" de la reine. Nos historiens des arts mystérieux oublient généralement, lorsqu’ils traitent de la ventriloquie, de citer Frégoli (1867-1936) qui fut une vedette mondiale. On le connaît surtout comme transformiste, mais il débuta en tant qu’illusionniste-ventriloque, et pratiqua ces disciplines durant toute sa vie.

Sans vouloir être exhaustif, on ne peut oublier les ventriloques espagnols D’Anselmi qui chantait un duo d’opéra en duo avec sa poupée et le légendaire Senor Wences, créateur de la "tête dans la boîte". Il y eut également Prelle qui faisait parler un chien vivant à l’Empire dans les années 20.

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Carte de visite d’A. Vantur
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Vantur


En France, les poupées des ventriloques méridionaux Dorian (de Marseille) et A. Vantur (de Nice) donnaient la réplique "avé l’accent". Ce dernier, parmi divers numéros, présentait un sketch (rentrons sans bruit) avec un mannequin aussi grand que lui, le duo paraissant éméché et titubant après une soirée bien arrosée. Après le cauchemardesque entracte provoqué par la dernière guerre mondiale, le public français allait découvrir les grands ventriloques étrangers, grâce au cinéma et à la télévision. Une nouvelle génération de ventriloques allait surgir. Ce sera le sujet de notre prochain article.

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A. Vantur

(à suivre...)

 
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