Hommage de Jon RACHERBAUMER
J’ai rencontré Derek pour la première fois alors qu’il était une étoile montante et sa disparition m’a semblé tellement soudaine, inattendue et inconcevable.
Il y aurait tant à dire et à écrire à propos de Derek, et cela m’a mis du baume au cœur de voir tant de magicien réagir à son décès et exprimer leurs pensées et leurs sentiments.
Derek était un magicien-né auréolé d’une magnifique simplicité. Cela signifie qu’il avait une aisance innée quand il opérait. De quelqu’un qui a une dextérité innée, le sens du rythme, la capacité d’apprendre vite et de mettre en pratique, on dit souvent qu’il a des “doigts de fée”. Il y a des apprentis manipulateurs qui ne seront jamais “grands” malgré tous leurs efforts pour s’entrîner et répéter. D’autres, ceux qui ont le don, sont immédiatement capables de développer leur savoir-faire. Pour Derek, la combinaison de son calme presque surnaturel et de la fluidité de sa présentation, faisait naître une aura autour de tout ce qu’il faisait. Il n’y avait jamais la moindre trace de quoi que ce soit d’exagéré, de surfait ou d’artificiellement dramatique. Au contraire, il enrobait ses effets magiques dans du velours et les présentait comme des joyaux étincelants, les laissant rayonner de tous leurs feux.
Il y a bien longtemps quand les cartes truquées devaient être fabriquées artisanalement, il y avait bien peu de magiciens qui savaient comment séparer les épaisseurs d’une carte et les coller correctement. Charles Kalesh fut l’un des premiers à développer des techniques qu’il avait empruntées à la photographie et John Benzais aborda également le sujet. Mais Derek était un maître en la matière. Je n’oublierai jamais le jour où je lui demandai de le faire en lui disant que cela me paraissait impossible.
Derek haussa simplement les épaules et me dit avec son accent anglo-canadien : mais, c’est possible ! Je lui tendis une carte Tally-Ho à triple épaisseur. Il tapota habilement le coin de la carte deux ou trois fois, la tenant délicatement entre ses doigts, puis d’un simple mouvement, rapide et continu, il sépara la carte en deux moitiés parfaites : l’une de deux épaisseurs, l’autre d’une seule. Il me tendit les morceaux en disant : c’est fait ! J’ai conservé ces pièces comme la preuve de son adresse et de son savoir-faire.
Derek avait un don incontestable et au sommet de sa carrière, il était l’un des dieux du close-up, un prince des effets, un manipulateur capable de faire exploser les crânes d’un océan à l’autre.
(Traduction Michel Balandras)