|
|
Sauf lors de rares exceptions, la vie sentimentale des grands magiciens du temps jadis reste généralement avare dévénements susceptibles dalimenter notre rubrique.
Le maître Robert-Houdin semble avoir observé une fidélité rigoureuse vis-à-vis de ses deux épouses successives. Houdini offrait avec Bess limage dune union sans nuage confirmée en public et sur certains films de lépoque par de fougueux baisers sur la bouche qui permettaient au roi de lévasion de se procurer secrètement au dernier moment les clefs qui lui permettraient de se libérer. Marius Cazeneuve était encore dans la force de lâge lorsquil devint, à Madagascar, médecin particulier de la reine Ranavalo (23 ans) mariée à un vieillard pour raison détat. Pierre Benoit consacra son roman Le commandeur aux relations intimes de la souveraine et de son conseiller-illusionniste. Chez les mentalistes, le seul numéro érotique à notre connaissance fut celui de Naga et OShan. Les spectateurs volontaires (et ravis) pensaient à une partie des vêtements de Naga quelle devait deviner et retirer ce qui donnait lieu à un diabolique striptease. Bénévol le célèbre coupeur de têtes était, daprès son biographe Jacques Garnier, un amant infatigable aux amours multiples dignes du Guiness Book of Records. Lautrichien Döbler lenfant chéri de la magie put prendre une retraite anticipée, fortune faite dans la production de films auxquels les censeurs attribuent de nos jours un X protecteur. Lallemand Kalanag déshabillait en ombre chinoise la sculpturale Gloria derrière un écran transparent en vaporisant sur le public des parfums raffinés. Chez les fakirs de music-hall, Scarha Bey, âgé et un tantinet ridicule, sentourait de fakirettes, jeunes femmes aux seins nus qui donnaient un nouvel intérêt à ses exploits surannés. Fée Eleisa fut une superbe magicienne dont les formes insolentes nétaient recouvertes que par quelques bijoux de pacotille. Il était facile décrire, pour les journalistes, quelle ne pouvait rien cacher dans ses manches. Jan Madd considère comme un péché de jeunesse une série de photos quil fit pour le journal Lui en compagnie de belles filles nues aux positions équivoques. Nous lui donnons sans réserve notre absolution. Sacha Guitry avait écrit et joué en 1917 la pièce de théâtre ayant pour titre Lillusionniste. Un magicien se trouvait engagé, après son spectacle sur scène, pour une représentation privée chez des particuliers. A sa surprise il ny avait quune seule spectatrice et son numéro dillusion se terminait dans la chambre à coucher de son employeuse. Lorsquon examine les publications magiques en langue française on constate avec larrivée de lillustration, en ces lointaines années, une absence totale dérotisme, voire de féminité. En France, il semblerait que le premier dessinateur qui taquina Eros du bout de son porte-plume ait été Dickmann-Minalono qui, assurant lui-même liconographie de ses catalogues aux environ de 1930, déshabilla gaillardement jusquà la ceinture les nombreux personnages féminins qui figuraient dans les grandes illusions quil proposait à la vente. Ses dessins ont un charme kitch et naïf et ses petites femmes pratiquèrent bien avant lheure la mode du top-less. Par la suite dautre catalogues magiques furent édités par Mayette mais son illustrateur Robert Veno était dune sévérité monacale. Il ségara parfois à représenter une femme en maillot deux pièces avec une telle sécheresse quil eut fallu un énorme travail dimagination pour fantasmer un tant soit peu. Signataire douvrages sur les grandes illusions et iconographe de la revue Le Magicien, Robert Veno reste un modèle daustérité. Un illustrateur entra dans la revue, Jean Boullet, qui savait avec son crayon, glorifier la beauté du corps humain. Dans le même périodique arriva Marcel Jacquinot qui se révéla assez sage dans ses premières illustrations mais devint rapidement polisson pour décrire par le dessin des Grandes illusions, domaine où il fut sans doute le meilleur documentaliste de la littérature magique. Il faut dire que parallèlement arrivait tout droit de la presse dite coquine où il exerçait sous divers pesudonymes, un graphiste exceptionnellement érotique et gavé de talent : James Hodges. Ses dessins continuent de nos jours à regorger dimagination et dinventivité en un hommage permanent à Eve et à sa beauté. Hodges avait débuté comme créateur de costumes pour chorégraphies, mais, sil habille bien les femmes, il les déshabille merveilleusement (les personnages féminins illustrant ses derniers ouvrages traitant des grandes illusions pourraient damner un cartomane). Ouvrant une boutique de magie, Dominique Webb fit illustrer son catalogue par Hodges ajoutant quelques photos parmi lesquelles une fille vêtue dun seul bikini pour présenter une canne et une ombrelle, et une autre avec un simple string pour la tête aux couteaux. Par la suite Webb nhésita pas à utiliser les services dune stripteaseuse pour son numéro dhypnose, ce qui nétait pas désagréable. Le marchand de trucs Guy Bert dont le magasin se trouvait en étage à côté des Folies Bergère se laissa aller à proposer à ses clients Le fluide qui déshabille. Sur scène au congrès de lI.B.M. à Southport (Angleterre) il fit disparaître les vêtements de sa partenaire. Larrivée de Mad Magic parmi les publications fut un événement qui défrisa les intégristes de lillusionnisme bon chic-bon genre. Sous lil bienveillant et goguenard de léditeur Michel Hatte, James Hodges fit sauter les limites de la bienséance avec ses dessins éclatant de santé virile tandis que Jean Merlin, paillard à lui seul comme un régiment de zouaves, laissait déferler dans ses textes une foule didées neuves, véritable bain de jouvence pour la vieillissante presti. Ce nounours aux révoltes dévastatrices, ayant parfois du mal à dissimuler ses tendresses débordantes, fut à lépoque la locomotive des jeunes générations de magiciens français. Désormais Eros est entré dans les numéros dillusions et sy trouve très à laise. Boris Wild conduit tendrement les ébats dune imaginaire et pulpeuse bouche féminine. Nombreux sont les spectateurs qui, en leur subconscient, caressent la boule zombie de Melinda tandis que David Copperfield entraîne ses admiratrices en des rêves aux saveurs de fruits défendus. |